mercredi 25 juillet 2007

Et si nous parlions d'amour ?



Le dictionnaire définit l’amour comme étant une attirance profonde et désintéressée pour un être ou une chose. Nous percevons bien une différence selon que le sentiment d’aimer s’adresse à un être ou à une chose. Et qu’en est-il encore de l’amour porté à un être proche et de celui porté à l’autre que l’on souhaite aider parce qu’il est dans la détresse ? Quelles raisons peuvent d’ailleurs pousser à un engagement auprès d’êtres en difficulté qui nous sont inconnus, avec lesquels nous n’avons tissé aucun lien particulier ? Amour, altruisme, compassion, pitié… ? Peut-on aimer un être, ou tout au moins lui porter secours dans le malheur de façon adaptée si, du refus plus ou moins conscient de la prise en compte de ses caractéristiques d’individu ou d’espèce, découle une souffrance psychique par non-respect de ses besoins fondamentaux, de son langage, de sa culture ?

Et si parfois les bienfaiteurs, inconsciemment, devenaient bourreaux ?

Le cas particulier des enfants-loups d’Inde, relaté par le livre tiré du journal du Révérend SINGH, est un exemple des véritables tortures morales qui peuvent être infligées avec les meilleures intentions du monde. Leurs « bienfaiteurs » ne pouvaient pas comprendre qu’on ne pouvait agresser, pour non respect des codes culturels humains et impossibilité d’y adhérer, des enfants, certes humains à la base, mais imprégnés de la civilisation du "canis lupus". Parce que la sensibilité de ces bienfaiteurs étaient heurtée, sous couvert de rédemption de leurs âmes soi-disant égarées, ces enfants ont subi le martyre d’une captivité et d’un dressage incompréhensible pour eux.

Il a fallu des décennies pour que les hommes secourant les hommes d’un autre peuple, d’une autre culture, d’un autre continent comprennent et admettent l’idée, si évidente aujourd’hui et si incomprise hier encore, qu’on ne sauvait aucun être sans respecter ses croyances, sa culture, ses traditions. Les charitables s’offusquaient devant les réticences de ces peuples aux traditions différentes à accepter leur culture, leurs richesses, avec l’empressement et la gratitude attendus.

Et la charité dévoilait alors son vrai visage…

Comment dans nos sociétés occidentales prônant l’amour du prochain, sont encore parfois traités les malades physiques et mentaux, les vieillards ? Depuis combien de temps pense-t-on que le fait de naître noir n’est pas synonyme de naître esclave ? Le droit de vote des femmes, depuis quand ? Et la liste est loin d’être exhaustive.

Un jugement porté sur la différence de l’autre, sur une infériorité réelle ou supposée, lui ôterait-il une partie de sa dignité et permettrait-il de tolérer pour lui des compromis avec sa conscience, inadmissibles autrement ?

Cette barrière infranchissable que l’humanité a progressivement érigée entre elle et l’animalité, quelle sorte d’amour nous permet-elle pour cet autre regardé au travers du filtre de nos yeux embués d’anthropocentrisme lorsque déjà, nous avons accepté autrefois et parfois encore maintenant, des accommodements avec notre conscience, des justifications de nos actes envers nos semblables au nom de la différence, de la facilité, de l’urgence, de l'incompréhension ?

Pouvons-nous nous libérer de ce refus, inscrit dans l’inconscient collectif humain, de notre propre appartenance au règne animal, une façon probablement de nous rassurer sur notre supériorité intrinsèque ? Sommes-nous aptes alors à comprendre les besoins, les souffrances d’êtres sensibles d’une autre espèce et les estimer à leur juste valeur ?

Il semble que l’amour ait parfois pris ses aises, se soit arrangé de la réalité au détriment de l’animal, et des chiens vivent au gré des humeurs de certains défenseurs de la cause animale, mais personne n’oserait remettre en question leur "amour des animaux". Eux-même, sans doute, n’en sont pas conscients.

Voici pourtant quelques histoires bien réelles :

Un chien déjà abandonné, retrouvé lié par une chaîne si serrée qu’elle lui entaille le cou, sera replacé par son sauveur dans une famille psychologiquement instable…en toute connaissance de cause. Est-ce supportable ? Il sera brutalement abandonné quelques semaines plus tard.

Une personne conduit son chien de 10 mois à l’euthanasie pour n’avoir pas su comprendre ce qu’est un molosse et se voit confier la vie d’un autre chien qui a déjà subi plusieurs abandons, parce qu’elle a été cambriolée…en toute connaissance de cause. Est-ce acceptable ? Il sera abandonné quelques semaines plus tard.

Comment défendre l’idée de confier un chien traumatisé, caché en boule au fond de son box, n’osant pas vous regarder, à des personnes désirant l’adopter dans l’intention de le donner ensuite à des inconnus ? Que vaut la vie du chien aux yeux de ses défenseurs ?

Et ces placements "au petit bonheur la malchance" auxquels, tout en faisant semblant de râler, on s’habitue ? On hausse les épaules au sixième abandon du même chien, mais comme on sait se dégager de toute responsabilité. Après tout, ces pauvres chiens n’ont vraiment pas de chance. Certes, mais…

Comment tant de compassion et de dévouement de la part des "amoureux" des animaux ont-ils pu devenir insidieusement complices de justifications hasardeuses, de placements dangereux pour le chien lui-même ?

Accepter l’idée qu’un chien, déjà déraciné, puisse passer d’une famille à l’autre en espérant que ce sera enfin la bonne, c’est ajouter au désarroi d’un animal qui a perdu tous ses repères et dont le psychisme ne peut pas plus supporter les traumatismes répétés que nous ne le pouvons. C’est infliger de nouvelles violences à des animaux déjà en grande souffrance.

Ne faut-il pas cesser de croire qu’agir suffit à justifier le bien-fondé de nos actions ?

Attirance profonde et désintéressée…Désintéressée ? Combien de décennies faudra-t-il encore pour que l’expression "amour des animaux" prenne tout son sens et que ce soit l’animal, enfin, qui bénéficie de l’engagement, de l’aide des "amoureux des animaux" et non plus l’homme ?

Dans les contes du Chat Perché de Marcel AYMÉ, le chat de la ferme décide de ne pas tuer la souris. Il la laisse libre de courir, jusqu' entre ses pattes... pour se répéter avec délice et vanité : "je suis bon, je suis bon…"


Article tiré de l'éditorial "rescue dogue"

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